Alain Bensoussan, avocat et fondateur de l’Association du Droit des Robots depuis 2014, prône la mise en place d’un statut juridique propre au robot. Un nouveau droit est selon lui nécessaire pour différencier le robot, et de l’homme, et de l’objet. Il nous livre sa vision de l’avenir et a bien voulu se projeter en 2067.

Pourquoi souhaitez-vous un statut juridique pour les robots ?

Le robot est doublement indépendant. Il est indépendant en mobilité, donc on ne peut pas le contrôler comme un enfant et il est indépendant intellectuel, c’est-à-dire qu’on ne peut pas le contrôler comme un animal. Le droit des animaux ne s’applique pas, le droit des objets ne s’applique pas et en conséquence il faut inventer un nouveau droit puisque le droit des humains ne s’applique pas non plus. Les robots ne sont pas des objets + et ne sont pas des humains – (ça n’a pas de sens, l’erreur humaine et l’erreur robot ne se situent pas dans la même catégorie). Il faut donc nécessairement inventer un cadre juridique complémentaire.

Pensez-vous qu’une telle personnalité juridique pourra être mise en place ?

Oui, il y a un rapport de Madame Delvaux qui va dans ce sens. Cela risque de mettre un peu de temps, mais on pourrait y arriver vers 2020-2025. Je ne peux pas faire de prévisions au-delà de dix ans.

Instaurer un statut juridique au robot reviendrait-il aussi à lui conférer une responsabilité pénale ?

Oui, bien sûr, comme la responsabilité pénale des sociétés.

On pourrait donc juger un robot ?

Sans problème.

Comme imaginez-vous la loi concernant les robots en 2067 ?

En 2067, les robots seront dominants, donc la question est plutôt de savoir comment on va protéger les humains des robots. Aujourd’hui, si vous jouez au jeu de Go ou aux échecs, vous êtes écrasé. De la même manière, toutes les fonctions primaires seront faites par des robots, donc il faudra voir comment on régulera les robots et comment on protègera les robots. Ce sera un droit de la mixité homme-robot. A cette époque-là, à mon avis, on aura quasiment une fusion : les robots vont s’humaniser en utilisant par exemple de la peau ; il y aura des organes artificiels mais vivants, biologiques, à l’intérieur et les humains seront fortement « prothèsés ». On aura intégré des prothèses intelligentes pour faire des hommes augmentés. On va vers l’homme augmenté, on aura des hommes de plus en plus robotisés.

Un jour, des avocats pourront donc défendre des robots à la barre ?
 

Bien sûr, et je compte bien être encore là pour le faire. J’espère qu’ils me prendront pour plaider pour eux.

Le robot pourrait-il parler ?

Evidemment. Aujourd’hui, si vous interrogez Siri, il vous répond, pas très bien mais pas trop mal non plus. Demandez-lui, posez-lui la question : « Siri, es-tu responsable de ce que tu dis ? »  Voyez ce qu’il dit, c’est rigolo.

Si on imagine un procès de robot en 2067, quelles pourront être les peines ?

Pour les robots, il y a plusieurs types de peines : soit la destruction du robot, mais ça je n’y crois pas car il y a destruction de valeur. Soit la reprogrammation du robot puisque le robot apprend donc il faut peut-être le remettre à zéro. Soit la mise à disposition du robot à des associations. Soit priver le robot d’activité donc ceux qui le possèdent ne peuvent pas récupérer le travail qu’il aura pu faire quand il était vivant.

Il n’y aurait donc pas de peine pour les développeurs, constructeurs ?

Si, par rapport à la victime. On retrouve la chaîne de responsabilité : la plateforme d’autonomie, d’intelligence et puis le propriétaire, le vendeur, le fabricant comme d’habitude.

Jorina Poirot & Noémie Gaschy